Coup de main inattendu [Shuji]

Yuriko, en sortant de la salle de classe de Shohei attrapa son téléphone. Il fallait qu’elle parle à Noriko. Vu l’attitude de Shohei, quelques instants plutôt, toute cette rumeur n’était en rien fondée. Et ça, Yuriko Chizumu, une Missy, ne le permettrait pas. Calomnier sur un Rokou Takara, qui plus est sur sa protégée, elle n’allait décidément pas laisser les choses courir. Les élèves de Tokyo Gakuen se plaisaient au jeu, à la rumeur. D’ordinaire, la jeune fille laissait faire. Après tout, si cela pouvait les défouler. Mais ils étaient allés trop loin. Beaucoup trop loin. Et surtout, ils avaient touché à ce qu’il ne fallait pas. La Missy serra son portable et le rangea dans sa poche.

Pas tout de suite. Yuriko aura bien le temps de retrouver Noriko dans la soirée. Pour l’instant, il fallait agir vite et trouver qui était l’imprudent qui s’était aventuré dans cette affaire. Elle ne le laisserait certainement pas courir.

Accélérant le pas, Yuriko monta les escaliers. Elle ne savait pas par où commencer, mais il était clair que les cours, pour aujourd’hui, étaient remis à plus tard. Il y avait bien plus important. Les autres élèves étant sûrement en cours, eux, elle ne pourrait compter sur des témoignages. Elle interrogerait les élèves plus tard. Il y avait forcément quelqu’un qui avait aperçu un élève suspect, roder le matin, très tôt, pour déposer ces immondes affiches.

Au passage, Yuriko déchira une de ces affiches et la réduisit en milles morceaux. Elle était vraiment remontée. De tout temps, la Missy pensait que ces rumeurs étaient tout à fait puériles et inutiles. Calomnier dans le vent, juste pour le plaisir de faire souffrir. Quelle inutilité. Ces élèves de Tokyo Gakuen, qui se prétendaient être si supérieur aux autres, n’étaient que des déchets, finalement. Car ils se rabaissaient à ce que les autres faisaient. Médisance.

Yuriko décida de rejoindre la bibliothèque. De tous les endroits, c’était le seul qui restait à faire. Pour réfléchir du moins. En paix.

*Heureusement que Noriko n’est pas là, aujourd’hui encore.*

Yuriko ouvrit la porte de la grande Bibliothèque et arpenta les rayons. Soudain, ses pas se turent. Shuji Afuka. Que faisait-il ? Seul ? Pleurait-il ? Elle arqua un sourcil. Afuka se laissait abattre, alors qu’il fallait se relever. Mais bon, on n’est pas tous doté d’un esprit combattif. N’avait-il pas envie de détruire tout le lycée ? De se défouler, d’évacuer, comme il l’avait fait sur Shohei ? Toutefois, la cruelle Missy pouvait comprendre ce que ressentait le jeune homme. Souffrance. Trahison. Mal être. Abandon. Incompréhension. Ne comprenant pas elle-même ce qu’elle était en train de faire, elle s’avança.

Les talons de Yuriko résonnèrent dans la pièce vide. Sans doute Afuka n’y faisait pas attention, ou alors l’ignorait-il, sachant trop bien qui était derrière lui. Car oui, le bruit des talons écrasant le sol était le signe de l’approche de la Missy Yuriko Chziumu. Comment allait-elle s’adresser au jeune homme anéanti ? La Missy était froide, certes, mais elle n’était pas non plus aussi cruelle qu’on le pensait. Se réjouir de la souffrance des autres, s’en délectait, surtout lorsqu’elle est aussi grande, n’était pas l’un des passe-temps de la demoiselle.

Yuriko apposa une main sur l’épaule d’Afuka. Elle exerça une légère pression pour le faire réagir. Mais rien. Au fond, c’était plutôt son jour de chance. Ce comportement aurait valu une sacrée remontrance. Mais elle passa outre. Contournant la table, elle vint s’assoir à l’autre extrémité, en face du jeune homme.

Le silence s’installa. Agacée, Yuriko commença à tapoter la table de ses ongles vernis. Afuka comptait-il se laisser abattre ? Se laisser lentement plonger dans la peine, la honte, la douleur ?

« - C’est ce qu’ils veulent. Ah, enfin. Il releva la tête. Ceux qui vous ont fait ça. Destruction. Torture. Déchirure. Rupture. C’est ce qui leur plait, ici. Faire du mal. Ça leur permet de se sentir puissant. »

Yuriko soutenait le regard étrange d’Afuka. Elle arrêta de tapoter sur la table. Joignant ses mains posées sur la table, elle s’avança légèrement. Comme sur le ton de la confidence, elle murmura.

« - Et toi tu plonges en plein dedans. »

Yuriko s’étonnait des propos calme qu’elle tenait. Alors que le comportement d’Afuka l’aurait énervé, d’habitude, elle se contenta de rester posée. Ses mots mêmes l’étonnaient. Ils n’étaient pas aussi mordants qu’à l’accoutumé. Peut-être un peu dur, mais on y discernait sans mal la pointe de soutien. La Missy aidait le jeune homme désemparé assis en face de lui.

Yuriko se réinstalla confortablement, s’appuyant contre le dossier de sa chaise. Ce n’était vraiment pas tout confort ici. Comment pouvait-on travailler dans de telles conditions ?

« - Je dis pas que tu dois te remettre avec Noriko et croire tout ce que l’on te raconte. Je dis juste que tu dois te forger ta propre opinion. Faire abstraction des bruits. Ce ne sont que des mouches gênantes. »

Yuriko s’étonnait. Plus elle parlait, plus elle se rendait compte qu’elle donnait des conseils au jeune homme. Pourquoi ?

C’est ce qu’ils veulent

Ceux qui vous ont fait ça. Destruction. Torture. Déchirure. Rupture. C’est ce qui leur plait, ici. Faire du mal. Ça leur permet de se sentir puissant.

Et toi tu plonges en plein dedans.

Je dis pas que tu dois te remettre avec Noriko et croire tout ce que l’on te raconte. Je dis juste que tu dois te forger ta propre opinion. Faire abstraction des bruits. Ce ne sont que des mouches gênantes

Chizumu, tu as raisons. Je me préoccupe trop de ce qu'il s'est passer, de cette histoire. Mais au fond, moi et moi seul est maître de cette situation.

Cette histoire, cela me met à bout. Mais, je n'ai pas envie de m'en soucier plus. Ce n'est pas moi le problème dans cette histoire, et en y réfléchissant, je n'ai en aucun cas fauter. Noriko n'a peut-être pas choquer avec Shohei, mais elle à été cher lui, et qui sais ? Qui sais ce qu'il s'est passer ? Mais enfin. Passons, je n'ai plus vraiment l'envie de me soucier de cela, puisque maintenant, tout le monde peut me considérer comme séparer de Noriko.

Chizumu, sais-tu que Shohei à de bon goût ?

Je comprends pourquoi Shohei t'a "choisie". Tu es magnifique, et crois-moi, ce n'est pas des paroles en l'air. Tu es unique Chizumu.

Après quelques minutes de silence pesant, Afuka commença à reprendre son attitude distante, sereine. Il sécha négligemment ses yeux humides. S’appuyant sur le dossier de sa chaise, il observa Yuriko d’un air détaché, mais qui se voulait calme.

« - Chizumu, tu as raisons. Je me préoccupe trop de ce qu'il s'est passer, de cette histoire. Mais au fond, moi et moi seul est maître de cette situation. »

Puis il se mit à adopter cette attitude charmeuse, séductrice. Que voulait Afuka ? La séduire ? Dans quel but ? Le brusque retournement des choses amusait Yuriko. Agissait-il en désespoir de cause ? Se jetant à corps perdu dans ce qui lui restait … son physique attrayant. Mais ne visait-il pas trop haut ? A vouloir séduire la Missy Yuriko Chizumu, on finit par se piquer.

« - Cette histoire, cela me met à bout. Mais, je n'ai pas envie de m'en soucier plus. Ce n'est pas moi le problème dans cette histoire, et en y réfléchissant, je n'ai en aucun cas fauter. Noriko n'a peut-être pas couché avec Shohei, mais elle à été cher lui, et qui sais ? Qui sais ce qu'il s'est passer ? Mais enfin. Passons, je n'ai plus vraiment l'envie de me soucier de cela, puisque maintenant, tout le monde peut me considérer comme séparer de Noriko. »

« Passons ». Telle était la conclusion que s’imposait Afuka. Mais désirait-il vraiment mettre Noriko de côté ? Retournait-il aussi facilement sa veste, à la première déception, pour une fille qu’il disait aimer, que Yuriko voyait qu’il en était éperdument amoureux ? Et Noriko ? N’irait-il pas la voir, la consoler, lui demander, prendre de ses nouvelles. Un instant, la jeune fille haussa un sourcil, n’appréciant pas le comportement changeant du « petit ami » de sa protégée. Au fond, il n’était qu’un jeune homme coureur. La Missy avait vu la cadette attachée au jeune homme. Et lui, il se dérobait à la première dispute réelle. Etait-ce cela … l’amour ?

« - Chizumu, sais-tu que Shohei à de bon goût ? »

Malgré elle, un sourire amusé étira ses lèvres. Afuka était sans conteste un homme qui aimait se plaire à être entouré de belles demoiselles. Mais aussi à les séduire … Il n’y avait plus de doute possible. Les signes étaient clairs. Afuka Shuji cherchait à séduire la Missy, dans le but de se remettre dans ses anciennes habitudes, sans doute. Mais Yuriko se laisserait-elle faire ? Elle pensait à Noriko. Que faisait-elle actuellement ?

Lorsqu’Afuka se rapprocha encore, indiciblement d’elle, ils étaient maintenant si proches que Yuriko sentait le souffle du jeune homme. Et pourtant, elle ne bougeait pas. Se contentant de rester assise confortablement sur sa chaise, seuls ses yeux suivaient le mouvement de son interlocuteur.

« - Je comprends pourquoi Shohei t'a "choisie". Tu es magnifique, et crois-moi, ce n'est pas des paroles en l'air. Tu es unique Chizumu. »

Là-dessus, Yuriko s’approcha délibérément du visage d’Afuka. Elle ne cherchait plus à deviner les gestes du jeune homme. Elle les devançait. Amusé par le soudain changement de son interlocuteur, la Missy décida d’en jouer. Jouer avec lui ou se jouer de lui ?

« - Shohei n’est pas le seul, Afuka. Elle s’approcha encore plus près. Ils n’étaient plus que séparés par une infime distance. Mais un jeu est un jeu. Et les joueurs sont si facilement … Elle passa un doigt sur la joue du jeune homme. Interchangeables. »

Puis Yuriko se retira, tout aussi brusquement qu’elle s’était avancée. Elle rit doucement, dévoilant ses dents. Que croyait Afuka ? Qu’elle le laisserait être son tout nouveau partenaire de jeu ? Juste sous peine qu’il avait une peine de cœur, il pouvait penser qu’il pouvait jouer avec la Missy ?

Yuriko se leva. Passant ses doigts sur la table, tout en s’avançant vers Afuka, elle le fixait de ses yeux brillants. A quoi pensait-il, actuellement ? S’arrêtant à côté de lui, ils restèrent un moment silencieux. Lui debout. Elle assise. Puis elle se positionna derrière lui et s’accroupit, afin de se retrouver à sa hauteur. Posant sa main sur son épaule, elle approcha ses lèvres de son oreille, et murmura sensuellement :

« - Je ne m’intéresse pas aux restes Afuka. »

Shohei n’est pas le seul, Afuka. Elle s’approcha encore plus près. Ils n’étaient plus que séparés par une infime distance. Mais un jeu est un jeu. Et les joueurs sont si facilement … Elle passa un doigt sur la joue du jeune homme. Interchangeables

Je ne m’intéresse pas aux restes Afuka.

Tu ne t'intéresses pas au restes ? C'est-à-dire ?

Tu sais ... Je trouves que Shohei n'a pas su t'écouter. Il t'aime mais ne pense pas à ce que tu peux ressentir et ...

Le bruit des doigts sur la table résonna dans la pièce silencieuse. Yuriko patienta, se demandant ce qui pouvait bien trotter dans la tête d’Afuka. Puis il se leva et s’éloigna de la table de travail. Elle ne bougea pas pourtant. Ainsi accroupie, elle tournait presque le dos au jeune homme. Celui-ci rangeait un livre qu’il tenait depuis un moment dans la main.

« Tu ne t'intéresses pas au restes ? C'est-à-dire ? »

Elle en profita pour se redresser et s’assoir sur la table, croisant les bras et posant son regard sur le visage du jeune homme. Ses yeux l’observèrent puis se voilèrent. Pensait-il encore à Noriko ? Noriko … la Missy était heureuse que sa protégée soit tombée malade et qu’elle ne soit pas présente. Elle n’osait imaginer les dégâts. Mais tôt ou tard, il faudra bien qu’elle apprenne la vérité. Ne serait-ce que par Tokyo Gakuen lui-même. L’école parlait beaucoup. Et puis, elle était la fille du directeur.

Yuriko se mordit la lèvre inférieure. Elle était actuellement à des kilomètres de la situation présente avec Afuka. A son tour, ses yeux se voilèrent. Une autre chose lui trottait dans la tête : Shohei Kimura. Plus la situation « avançait », plus elle se demandait comment tout ceci allait bien pouvoir finir. Pour elle, ce n’était même plus une question de confiance. La Missy voyait pertinemment qu’ils allaient tous droit dans le mur.

« Tu sais ... Je trouves que Shohei n'a pas su t'écouter. Il t'aime mais ne pense pas à ce que tu peux ressentir et ... »

Yuriko le foudroya des yeux. Comment pouvait-il se permettre de porter un jugement sur une situation qui n’était pas la sienne ? Afuka s’arrêta, ne préférant sans doute pas continuer plus loin son audace. Elle serra un instant les poings, se demandant ce qu’elle pourrait bien lui préparer. Elle commença par s’avancer, puis … elle se ravisa à la dernière minute.

En tournant les talons, elle se dit bien que c’était la dernière fois qu’elle viendrait en aide à Afuka. Serrant toujours les poings, elle avança vers la grande porte mais entendit très vite d’autres bruits de pas juste derrière elle. Mais elle n’accéléra pas le pas, bien trop curieuse de connaitre la suite des évènements.

Ses bras se balançaient au rythme de sa marche, d’avant en arrière. Pourquoi fallait-il que cet imbécile gâche tout ? Soudain, l’un de ses bras s’arrêta de se balancer le long de son corps. Une pression sur son bras, et elle se retourna vivement. Elle se tut pourtant, curieuse de connaitre le fond de pensée du jeune homme. Ce dernier la rapprocha, plus près encore. Elle ne disait toujours rien. Son visage même n’exprimait rien. Qu’allait-il tenter de faire ?

Puis, le regard d’Afuka changea d’une bien curieuse façon. Face au regard inexpressif de Yuriko, il lui lançait des yeux qui voulaient tant dire.

< Il ne va qu’en même pas … >

Et si. Afuka s’approchait de plus en plus … près de ses lèvres. Savait-il vraiment ce qu’il était en train de faire ? Quel inconscient. Tandis qu’il s’approchait de plus en plus, Yuriko se demanda comment réagir. S’amusant du comportement désespéré de son compagnon, elle constatait qu’on pouvait être amené à faire n’importe quoi, quand on était déprimé. Etudiant le visage du jeune homme, elle ne vit pourtant aucune trace de tristesse. Juste l’envie de jouer. Yuriko arqua son sourcil et posa un long doigt fin sur sa bouche.

La Missy rit doucement face à l’expression surprise d’Afuka.
« Crois-tu que c’est si facile, A-fu-ka ? »

Yuriko abaissa sa main et laissa son bras retomber. Passant devant Afuka, sa main se posa sur le torse de ce dernier. Continuant son chemin, elle se retrouva là où elle était il y a quelques secondes : la table. Attrapant le livre déposer négligemment par terre, elle le feuilleta un instant, faisant mine de se concentrer dans sa lecture devenue presque existentielle. Intérieurement, elle se délectait. Mais elle ne comprenait pas ce qui avait amené Afuka à faire une telle chose. Par sa relation avec Shohei ? Du coup, il pensait utiliser la Missy pour se venger du Trésor ? Ben voyons. Et elle n’avait pas son mot à dire peut-être ?

Yuriko reposa le livre sur la table, ne prenant pas la peine de le refermer. Elle ne savait même pas de quoi parlait ce livre, bien trop distraite par ses propres réflexions. Tapotant sa lèvre de son doigt dans une mine réflexive, la jeune fille se demanda ce qui pouvait bien attendre Shuji Afuka et Noriko Fujimoto. Une chose était sûre, Noriko avait intérêt à se préparer.

« Shohei est habitué à avoir tout sur un plateau d’argent sans se préoccuper des autres. Elle tourna son visage vers Afuka, mais ses yeux ne semblaient pas le voir. Mais je suis curieuse d’entendre ce que tu avais à dire. »

Afuka ne semblait pas la suivre. Roulant des yeux, elle croisa les bras et reprit les termes employés précédemment par lui :

« Il t'aime mais ne pense pas à ce que tu peux ressentir et ... Et ? Je suis curieuse de voir ce que Shuji Afuka a bien pu comprendre. »

Son sourire étira ses lèvres, démontrant sa malice. Yuriko attendait.